Il semblerait que l’on assiste en cette rentrée 2019 à une tentative de recomposition de la scène politique, avec le projet de création d’un grand parti de « centre droit ». En effet Valérie Pécresse, présidente du mouvement « Libres ! » et Hervé Morin, président du mouvement « Les Centristes », ont appelé le samedi 31 août pour la première et le dimanche 1er septembre pour le second, la droite et le centre « à être moderne » afin de se regrouper !
Valérie Pécresse estime qu’il faut sortir du duel Macron/Le Pen instauré en 2017 si l’on veut que la droite soit présente au second tour des prochaines élections présidentielles de 2022. Elle propose pour cela une alternative politique crédible qui consisterait à regrouper les centristes, la droite conservatrice et une « droite moderne ». Elle définit cette « droite moderne » comme « laïque », « sociale », « économique ». Elle ajoute un volet « écologique » en précisant que cette écologie serait une écologie « sociale » et non une écologie « punitive ». Le lendemain, Hervé Morin tient quant à lui un discours similaire dans lequel il explique qu’être moderne, c’est se défaire de ses préjugés et d’accepter le projet de la Procréation Médicale Assistée (PMA) et de se convertir à l’écologie. La droite a « toujours eu deux trains de retard sur ces sujets » précise-t-il ! Il explique bien sa démarche lorsqu’il déclare : « La société française a évolué, il nous faut devenir modernes » ce qui consiste à suivre l’évolution de l’opinion publique à travers les sondages.
Un projet politique « bricolé »
Ce projet politique a été concocté après l’échec de la liste des Républicains aux européennes de mai 2019. Il semble bien que les auteurs de ce projet aient tiré des leçons politiques de l’ouvrage de Jérôme Fourquet, « L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée » (Seuil, mars 2019). L’auteur de cet ouvrage explique notamment que les catholiques sont désormais minoritaires en France et surtout que l’on assiste à un basculement anthropologique de la société française. Or c’est justement la frange catholique de l’électorat de droite qui a soutenu successivement François Fillon aux présidentielles de 2017, puis Laurent Wauquiez à la présidence du parti Les Républicains, et enfin François-Xavier Bellamy aux européennes. Certains responsables de la droite estiment qu’une des causes des échecs successifs des Républicains, repose sur la présence de cette frange catholique, qui par ses prises de positions concernant les questions de société, a éloigné une partie de l’électorat centriste et de droite, favorable à ses mesures sociétales. Cette droite « moderne » devrait permettre de récupérer cette partie de l’électorat perdu en se débarrassant de la défense des valeurs chrétiennes et en se ralliant au « libéralisme sociétal ». Mais c’est justement ce qu’a réussi à réaliser Emmanuel Macron lors de la campagne de 2017, en ralliant les progressistes aussi bien de gauche que de droite sur sa candidature et aux européennes de 2019 sur la liste de Nathalie Loiseau.
Une impasse politique
Les responsables politiques des différents mouvements du centre et de la droite, inquiets pour leur survie politique, cherchent à se regrouper dans une grande formation politique capable de peser lors des prochaines élections. Ils ont bricolé dans l’urgence pendant l’été ce projet de « droite moderne ». On connaissait en effet jusqu’à présent les trois grandes familles de la droite théorisées par René Rémond dans son ouvrage, « Les Droites en France » (Aubier), à savoir une droite légitimiste, une droite orléaniste ou libérale et une droite bonapartiste. Une nouvelle droite vient d’être inventée : la « droite « moderne » qui repose sur les mêmes bases idéologiques que tous ceux qui ont rallié Macron en 2017. Il s’agit de l’alliance entre le libéralisme de droite dénaturé en un libéralisme mondialisé, et un libéralisme de gauche qui est un libéralisme sociétal. Ce dernier permet d’éliminer tous les archaïsmes sociaux qui sont des obstacles entre les individus et le marché. La gauche s’est ralliée au libéralisme mondialisé et la droite au libéralisme sociétal. Les auteurs de ce projet n’ont pas deux mais trois trains de retard sur Macron.
Que veulent exactement les auteurs de ce projet ?
Comment cette droite pourra-t-elle se démarquer du mouvement « En marche » ? Il ne peut exister deux forces politiques s’appuyant sur les mêmes bases idéologiques. L’effet de ce bricolage politique risque de troubler encore un peu plus les électeurs et renforcer le vote pour les populistes. Les auteurs de ce projet sont prêts à se débarrasser des « valeurs chrétiennes » pour une manœuvre électorale aux résultats incertains. Ils passeront pour des opportunistes sans aucune conviction. Pour F.-X. Bellamy, l’unité « ne se fera pas sans une vrai clarté sur le fond » mais ces politiques, adeptes de pratiques dignes de la IVème République, en sont-ils encore capables ? Le drame, c’est que l’on est confronté à une situation identique à gauche, qui ne peut que déboucher sur une crise institutionnelle grave puisqu’il n’y aura plus qu’un seul parti de gouvernement sans aucune opposition crédible rendant toute alternance impossible.
Patrice Buffotot