Dans ce bref article, je présente quelques traits essentiels de l’activité théologique de Joseph Ratzinger, que la plupart des gens ont connu sous le nom de Benoit XVI, décédé ces jours-ci.
Il fut, à l’âge de 35 ans, le théologien du cardinal Frings au concile Vatican II, un des pères conciliaires qui contestaient l’ordre du jour établi par la Curie, l’organe de gouvernement du Vatican.
Son livre Le nouveau peuple de Dieu, publié en français en 1971, représente une ouverture dans la réflexion théologique. Il veut promouvoir l’église locale ; il rappelle que c’est tout le peuple de Dieu qui est porteur de la vérité de la Révélation. Je cite ces lignes : « L’orientation spirituelle foncière des chrétiens n’est pas tournée vers la restauration ; elle se tient sous le signe de l’espérance. » (Aubier, p. 128).
Devenu en 1981 préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, nommé par Jean-Paul II, Ratzinger va concrétiser une orientation conservatrice dont voici deux exemples : il donne en 1984 une instruction sur la théologie de la libération qui constitue une critique en règle de la démarche des théologiens latino-américains. En clair, il leur reproche d’adopter une lecture marxiste de la société. Une seconde instruction corrigera en partie la première, en reconnaissant l’option préférentielle pour les pauvres.
Mais c’est au niveau de la catéchèse qu’il va contester la transposition des acquis de l’exégèse et de la théologie biblique. Les évêques français avaient élaboré le document Pierres vivantes à l’usage des enfants, document dans lequel Dieu était présenté comme libérateur (livre de l’Exode) avant de l’être comme créateur (livre de la Genèse). Le cardinal les obligea à remettre la Genèse avant l’Exode.
On doit par contre retenir plusieurs interventions remarquables : son encyclique L’amour dans la vérité publiée en 2009 contient des réflexions importantes sur la nécessité de replacer l’économie dans le cadre d’une anthropologie. Il y valorise le don comme dépassement des rapports marchands et rappelle un des points essentiels de sa réflexion : le rôle fondamental de la loi naturelle. La loi morale universelle (loi naturelle) est le fondement solide de tout dialogue entre les cultures et les religions. Il rappellera également qu’une loi qui ne respecte pas la nature humaine est nulle et non avenue.
Ces deux aspects me semblent prophétiques, même s’ils heurtent la vision progressiste du monde et de la politique. Je retiens volontiers comme significatifs d’une volonté de poursuivre la quête de la vérité sur des bases universelles, son dialogue avec le père de « l’agir communicationnel », Jürgen Habermas, son compatriote allemand.
Enfin, contrairement à ce qui lui a été reproché, le discours de Ratisbonne dans lequel il appelle l’Islam à une réflexion onéreuse sur la violence prônée dans le Coran, touche juste. Il y a une dimension prophétique dans son intervention.
Je note, pour finir, son courage dans la lutte contre la pédophilie au sein de l’Église, à la différence de Jean-Paul II.
Que Benoit XVI repose en paix.
Jacques Rollet, théologien et politologue