Sur la crise du catholicisme

Plusieurs ouvrages ont parus ces temps-ci visant à établir un diagnostic sur l’état du catholicisme en France. Le dernier en date est celui de Philippe Capelle-Dumont, Le catholicisme contemporain en péril. C’est l’occasion de réfléchir pour tenter d’établir la nature de la crise, qui en soi n’est pas nouvelle. J’ai personnellement publié en 1978 : « L’heure des choix » aux éditions du Centurion. Le pontificat de Jean-Paul II a commencé peu de temps après la sortie de mon livre. Le rôle qu’il a joué sur la scène internationale est évident, particulièrement en ce qui concerne le monde soviétique. Par contre, il n’a pas enrayé la perte d’influence de l’Église catholique dans les pays occidentaux. Il nous faut donc livrer quelques éléments sur la situation française à titre de simples indications sur l’état du catholicisme.

À partir de la fin des années soixante, un phénomène de baisse de fréquentation s’est enclenché. Il s’est amplifié dans les années quatre-vingt. Cela concerne l’assistance à la messe dominicale mais également le public dit « non-pratiquant ». Le nombre d’enfants catéchisés est en chute libre. Les demandes de baptême concernent moins de 30% de la population. Il en va de même pour les mariages. Seules les célébrations d’inhumation sont plus nombreuses. Ces éléments sont incontestables et visibles par tous.

Le discours de l’Église de France sur les questions de société et particulièrement d’éthique familiale et sexuelle témoigne d’une peur de mécontenter qui est préoccupante et surprenante. Il y a bien eu des déclarations sur le mariage homosexuel et la PMA pour femmes seules ou lesbiennes, mais elles n’ont pas été suivies de prises de positions dénonçant le relativisme affirmé par les présidences Hollande et Macron. Ce dernier a encensé les évêques dans le discours aux Bernardins pour faire ensuite la loi sur la PMA ! J’attends avec intérêt la réaction de l’épiscopat concernant ce qui va se passer sur l’euthanasie. Je note qu’elle a bien commencé : un article écrit par le Conseil permanent a été publié dans Le Monde du 27 septembre. Les évêques demandent qu’on prenne davantage en compte les soins palliatifs et rappellent l’importance de la vie et non de la mort. Il reste à voir quelle sera la réaction de l’Église de France si le suicide assisté ou l’euthanasie sont votés. Je reviendrai sur cette question du discours sur la société et son état.

Il n’est pas inutile, pour établir un diagnostic sur les raisons de la crise, de faire appel à la sociologie des religions et particulièrement aux travaux de Max Weber. Dans « Économie et société », il distingue trois types d’agents religieux : le sorcier, le prophète et le prêtre. Intéressons-nous à ces deux derniers. Le prophète doté d’un charisme, appelle à accueillir le salut et s’engage personnellement dans la démarche de conversion. Il se situe délibérément au-delà de l’institution. Le prêtre au contraire est l’homme qui incarne ce que Weber appelle « la routinisation du charisme ». Le catholicisme considère ainsi les évêques, les prêtres et les diacres comme représentants permanents de l’institution. Ils sont dotés, dans cette perspective, d’un charisme attaché à leur fonction.

Cette distinction opérée par Weber peut nous aider à comprendre la crise actuelle. Il se pourrait que la nécessaire mise en valeur de la fonction prophétique, c’est-à-dire l’annonce de l’Évangile comme impératif, impose un changement dans le fonctionnement des « agents permanents » du catholicisme. La préparation du synode de 2023 sur la synodalité dans l’Église nous révèle que de nombreux catholiques, les plus proches de l’institution, réclament une place plus importante dans la vie concrète des paroisses. Cela revient à reconnaître que les « agents permanents » brident la vitalité possible de l’Église, et ce d’autant plus qu’ils sont en voie de disparition, avec une moyenne d’âge pour les prêtres qui dépasse les 70 ans ! Ces prêtres vivent de plus en plus mal leur situation qui les conduit à gérer 30 paroisses dans le monde rural et 3 ou 4 anciennes paroisses de ville.

Deux données me semblent essentielles : l’Église a vocation à rappeler à notre société déchristianisée la valeur de la vie humaine, du couple, base de la société, ne serait-ce que parce qu’il la renouvelle en donnant naissance à des enfants. Le salut qu’annonce l’Évangile passe par le salut de l’humanité dans ses bases anthropologiques. Le prophétisme doit jouer à plein dans ce domaine, mais pour ce faire l’institution doit se renouveler, particulièrement en ce qui concerne le recrutement de ses clercs. Il est plus qu’urgent d’ordonner prêtres des hommes mariés et de réfléchir à l’ordination des femmes. Espérons qu’il ne soit pas trop tard…

Jacques Rollet, théologien et politologue

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