L’état des universités françaises a incité trois universitaires de l’université catholique de Lille à se poser la question du « sens d’un projet d’une Université catholique » et sur quel modèle anthropologique il pouvait reposer.1
La tâche est d’importance : il faut sauvegarder à la fois notre culture, être en capacité de la transmettre aux générations futures et aussi développer une capacité de recherche pour penser le monde qui évolue rapidement, et se doter des capacités théoriques pour répondre aux idéologies relevant du relativisme2.
Les universités catholiques ont suivi, comme celles de l’État, le modèle imposé par l’Union Européenne consistant à répondre aux demandes de l’économie européenne, en proposant des formations professionnelles aux étudiants, capables de leur assurer une « employabilité » immédiate dans le monde du travail. Ces formations à caractère professionnel se sont faites au détriment des formations théoriques « anciennes », qui permettaient aux étudiants d‘apprendre à penser par eux-mêmes, à acquérir une culture générale sérieuse, leur permettant de s’adapter aux évolutions professionnelles et de progresser dans leur carrière professionnelle. Enfin, cette réforme a provoqué mécaniquement une réduction du secteur de la recherche, pourtant stratégique.
En effet, si les universités catholiques veulent influencer les grands débats de ce monde, elles doivent développer une pensée autonome et se dégager de l’influence de courants idéologiques relevant du relativisme. On constate en effet un phénomène de ralliement aux idéologies dominantes de certaines institutions catholiques. Si ce processus s’amplifie avec le temps, on assistera à une véritable défaite « intellectuelle ». Il ne faudra pas s’étonner alors que le catholicisme devienne inaudible dans notre société et finisse par se dissoudre dans le monde.
L’incapacité de penser le monde a de graves conséquences pour les catholiques. Que propose l’Église catholique face aux nombreux défis qui se dressent devant nous ? Les universités catholiques ont un rôle stratégique à jouer dans cette « bataille » intellectuelle.
Pour reconstruire ces universités, il faut commencer par assurer une solide formation théorique aux jeunes générations. Se pose alors la question de savoir sur quelle anthropologie cette réforme doit reposer.
Quelle anthropologie pour les universités catholiques ?
Ce qui est en jeu dans l’influence qu’exerce le relativisme dans les universités, y compris catholiques, est un point central : celui de l’anthropologie. Elle est peu abordée dans les facultés de philosophie. Elle l’est en principe dans les facultés de théologie, au sein du cours de morale fondamentale. Précisons les choses à l’aide de six remarques :
1° – L’anthropologie relève de la philosophie. Or elle est identifiée le plus souvent à l’ethnologie. Il s’agit de savoir ce qu’est l’homme, ce qui implique qu’il y ait une nature humaine, commune à tous les hommes, ce qui fonde d’ailleurs les déclarations des Droits, y compris la Déclaration universelle. Dire que les hommes naissent libres et égaux en droits suppose qu’il y ait une nature humaine. On peut s’étonner que ceux qui se réclament de ces données de base, affirment en même temps un relativisme conquérant.
2° – La nature humaine peut ainsi être définie : l’homme est un être doté d’intelligence et de volonté, existant en condition corporelle, condition masculine ou féminine. Cela signifie que l’homme n’a pas un corps mais « qu’il est son corps » comme le disait Merleau-Ponty. On ne peut donc pas en disposer. L’indisponibilité du corps humain est par ailleurs reconnue officiellement.
3° – Le relativisme ne reconnaît pas ces données de base. La conséquence en est une dérive dont les effets se manifestent aujourd’hui : on invite les enfants à se demander à quel sexe ils appartiennent. Toute une offensive exercée au nom du « genre » veut nier l’incarnation de l’être humain en un corps masculin ou féminin.
4° – La réflexion que nous proposons dans ces remarques relève de la philosophie et non de la théologie. Les universités catholiques doivent enseigner cela dans leurs facultés de philosophie. Elles pourraient populariser ces données par des conférences destinées à tous les étudiants inscrits en première année des différentes facultés.
5° – En faculté de théologie, ces données peuvent être prolongées par le « Traité de la Création ». La finitude de l’homme, qui relève de la philosophie, trouve son correspondant théologique dans la notion de créature. Si l’homme est créé par Dieu, il ne peut être une volonté toute-puissante, volonté qui consisterait à décider du bien et du mal, ce qui est la définition même du péché originel.
6° – Si nous sommes en accord avec ce qui précède, alors il nous faut reconnaître que l’homme ne peut pas être tout-puissant en ce qui concerne le début et la fin de la vie. Il faut enseigner que l’avortement peut se comprendre pour des situations de détresse, mais qu’il reste un mal. La loi Veil l’a dépénalisé mais elle n’en a pas fait un droit contrairement à ce qui est affirmé dans les média. De même, l’homme n’est pas maître de la mort. L’euthanasie ne peut pas être instaurée comme un droit sinon sur la base de l’affirmation de la toute-puissance de l’homme.
Il faut préciser que cet enseignement peut également se faire à travers l’étude des grands auteurs tels que J. Maritain, H. Arendt, A. de Tocqueville, J. Rawls, J. Habermas, C. Schmitt, L. Strauss pour n’en citer que quelques–uns. Rappelons que les universités d’Oxford et de Cambridge pratiquent cette étude ainsi que la FASSE (Faculté des sciences sociales et économiques) de l’Institut catholique de Paris jusqu’au début des années 2000.
Ces différentes données devraient être enseignées en philosophie et en théologie dans les universités catholiques.
Jacques Rollet, politiste et théologien
Patrice Buffotot, politiste
1 « Les universités catholiques sont des lieux d’Église dans lesquels les catholiques sont devenus minoritaires », Tribune de Thérèse Lebrun, Thierry Magnin et Patrick Scauflaire, La Croix du 26 mars 2022.
2 Voir de J. Rollet, La tentation relativiste ou la démocratie en danger, Paris, 2007, Desclée de Brouwer, 246 p.
Illustration: Roman Boed
Bonjour Jacques .je viens de lire ton blog toujours très passionnant et riche d analyse.je voudrai me permettre de te faire part de ma réflexion sur l euthanasie. J ai été confronté au décès de ma sœur atteinte d’un cancer qui a débuté à son bras gauche.Des le début les médecins ont dit qu’elle vivrait 1 an. Ce qui c est confirmé au jour prêt.Pendant 1 an elle a souffert le martyr.elle a été dans 3 centres de soins palliatifs qui dès à chaque entrée disaient » nous ne pratiquons l euthanasie » .encore ce jour je pense à sa souffrance si inhumaine.et les personnes qui l aimaient ,dont moi-même ne peuvent oublier et se posent la question de cet acharnement ou la dignité semble absente de la fin de vie dont les effets collatéraux restent en nos mémoires..voilà. cordialement josy.anneEnvoyé depuis mon appareil Galaxy
J’aimeJ’aime