Le débat qui reprend sur la PMA pour les femmes seules et les couples de lesbiennes nous oblige à revenir sur des questions de fond qui relèvent de l’anthropologie : de quoi parle-t-on quand on parle de l’homme ? Plus précisement, les droits de l’homme expriment-ils la nature de l’humanité ou sont-ils la pure expression des désirs subjectifs qui devraient être satisfaits nécessairement ? On retrouve dans ce cas le rapport entre vie privée et reconnaissance publique du désir privé. Quatre points peuvent être abordés : les « droits de », « droits à », la question de l’anthropologie, l’État de droit en Europe.
I. Les droits de l’homme comme « droits de »
Quand ils ont été déclarés en France en 1789, ou aux États-Unis en 1776 pour la Déclaration d’indépendance (quelque temps après dans les États comme la Virginie), les droits de l’homme sont des « droits de » : liberté, propriété, droit de résistance à l’oppression. Jürgen Habermas, moderne s’il en est, pense que c’est la notion de dignité humaine qui exprime le mieux le contenu véritable de ces droits, que Luc Ferry et Alain Renaut ont appelé : « Droits libertés ». Ils expriment ce qu’est l’homme dans la dignité qu’on doit lui reconnaître.
II. Les « droits à » ou « droits créances »
C’est l’appellation que nos deux auteurs précités donnent aux « droits à ». Ce sont des droits qui nous donnent une créance sur l’État. Dans le préambule de la constitution de 1946 en France, ce sont les droits sociaux : droit d’obtenir un travail mais devoir de travailler, droit de grève, etc. Le problème réside dans le fait qu’on a fait entrer dans cette catégorie, la demande de satisfaction des désirs individuels relevant de la vie privée et revendiquée comme telle. Dans ce cas on demande au parlement de voter des lois qui reconnaissent la validité publique du désir privé. Cela donne le « mariage pour tous » et à présent, la revendication de la procréation médicalement assistée pour un désir qui ne relève pas du traitement de la stérilité – comme c’est le cas actuellement – mais de la volonté d’avoir un enfant sans père. Les partisans de cette mesure veulent même que cela soit remboursé par la Sécurité sociale ! Et ce sont les mêmes qui veulent abolir la clause de conscience qui permet à un médecin de ne pas pratiquer un avortement si cela heurte ses convictions sur la vie. Le père Aupetit, archevêque de Paris a fait à ce sujet un rappel essentiel.
III. L’absence d’anthropologie
C’est bien d’une absence qu’il s’agit. Aucune idée de ce qu’est la nature humaine n’est reconnue comme base pour une éthique de la vie. Mais se rend-on compte qu’une telle dérive s’apparente aux revendications qui étaient celles des idéologies totalitaires, nazisme et communisme ? Hannah Arendt déclarait qu’elles voulaient changer l’homme pour le soumettre aux lois de la race ou de la classe. Il s’agir à présent de le soumettre au désir subjectif et remboursé !!
IV. L’État de Droit
On entend par-là habituellement le fait que le pouvoir d’État est soumis au droit fondamental représenté par la constitution et les droits fondamentaux présents en France dans ce qu’on appelle le « Bloc de constitutionnalité » (Déclaration de 1789, Préambule de 1946). C’est le Conseil constitutionnel qui examine le respect de ce bloc et de la constitution. Mais dans la mesure où ce Conseil ne veut pas se prononcer sur les questions éthiques (il n’a pas voulu prendre position sur les questions anthropologiques liées au mariage homosexuel), on peut légitimement rappeler que l’État de droit qui n’est pas fondé sur les principes moraux fondamentaux est devenu contestable. Les gouvernements de la Pologne et de la Hongrie rappellent les fondements moraux concernant le mariage homosexuel et la PMA . Violent-ils l’État de droit ou le respectent-ils ?
Ces rappels devraient être présents dans toute discussion sur ces sujets !
Jacques Rollet