Le texte de 30 imams paru dans Le Monde du 25 avril 2018 témoigne d’une prise de conscience des problèmes que pose le terrorisme. Ce dernier se réclame de l’islam et du Coran. Les imams signataires de ce texte tentent d’établir que l’islam n’a rien à voir avec ces pratiques de mort et critiquent tous ceux qui voient dans le Coran un texte porteur de violence. L’affaire est moins simple qu’ils ne le disent.

Ils déclarent :  » L’Islam est d’abord une aspiration spirituelle… et non une idéologie identitaire et politique ». Je conteste la deuxième partie de l’affirmation et je montrerai plus loin, pourquoi.

Ils ajoutent dans une adresse aux imams :  » Nous les appelons à dispenser un discours d’apaisement, de sérénité et à résister à une orthodoxie de masse, à une populisme communautariste « .  Notons qu’ils parlent d’une orthodoxie de masse. Pour moi dire cela c’est reconnaître que l’orthodoxie pose problème puisqu’il faudrait la récuser. Que prônent-ils ? Une non-orthodoxie minoritaire ???

Cela me conduit, dans la ligne de mon ouvrage Religion et politique (paru aux éditions Grasset en 2001)  à émettre 6 remarques sur l’islam et sa fondation dans le Coran :

1) Le Coran est pour les musulmans un texte sacré ; il est la Parole de Dieu matériellement écrite et on ne peut donc pas prendre la moindre distance avec lui. Cela explique les difficultés quand il s’agit d’interpréter.

2) Les sourates de Médine, les plus récentes, sont les plus dures. Or selon la théorie de l’abrogeant-abrogé, elles s’imposent par rapport à celles de La Mecque. Mahomet était alors chef religieux, politique et militaire et certaines sourates contiennent des versets qui appellent à poursuivre les infidèles. Ainsi le verset 29 de la fameuse sourate 9:
« Faites la guerre à ceux qui ne croient point à Dieu ni au jour dernier, et à ceux des hommes des Écritures qui ne professent pas la vraie religion ». Il s’agit bien des juifs et des chrétiens.

Le verset 5 de cette même sourate dit :  » Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez.. « . On peut ajouter que la sourate 8 verset 17, déclare à propos de la lutte contre les infidèles :  » Ce n’est pas vous qui les tuez, c’est Dieu ».  On peut difficilement faire plus  violent. Cela autorise tout.  Ajoutons encore un texte à propos des idolâtres, dans la sourate 2 verset 187 :  » Tuez-les partout où vous les trouverez « .

3) Deux problèmes surgissent à propos de ces textes. Il n’y a pas d’autorité religieuse au sens d’un Magistère, dans le Sunnisme qui autoriserait à prendre de la distance avec ces textes. De plus ces textes ne peuvent pas être pris au sens figuré. On ne tue pas ici en esprit mais bien par l’épée.

4) L’auteur qui fait en quelque sorte la loi dans ce domaine est Ibn Taymyyia, syrien du XIVe siècle qui inspire l’école hanbalite, mais aussi les « Frères musulmans » du XXe siècle. C’est lui qui affirme qu’un musulman qui ne combat pas les infidèles est un mauvais musulman.

5) Je pense personnellement, dans la ligne de Max Webar et Raymond Aron, que la notion de « possibilité objective » est fondamentale. De même que Lénine est la possibilité objective de Staline (sans léninisme, il n’a pas de stalinisme) de même, l’islam est la possibilité objective de l’islamisme. La possibilité n’est pas la nécessité, mais c’est ce qui rend possible un phénomène. Ce qui se passe a donc  » à voir »  avec l’islam.

6) L’Umma, c’est-à-dire la communauté musulmane, est constitutivement religieuse et politique depuis les origines de l’Islam . Les 30 imans tentent de dire le contraire. Ils devraient se renseigner !

Espérons que ces textes contribueront cependant à des avancées…

Jacques Rollet