Macron sous le scalpel de Taguieff

Pierre-André Taguieff, bien connu dans le monde des politologues pour ses travaux sur le racisme, sur le progressisme, et les mythes de la modernité, a travaillé tout l’été pour nous donner fin août un ouvrage de 362 pages intitulé : « Macron : Miracle ou mirage? » (Éd. de l’Observatoire).

L’auteur, avant d’entrer dans son analyse critique, nous rappelle quelques données : le nouveau président dispose de 352 élus (en comptant ceux du Modem), dont 308 de « La République en marche ». Il a été élu avec 66,1% des voix au second tour de la Présidentielle. Il est le résultat de la crise du système politique. Le fait que la Gauche fasse 27,67 % au premier tour de la Présidentielle en est une illustration. Ce nouveau président a la faveur de Daniel Cohn-Bendit et d’Alain Madelin, ce qui ne manque pas d’être étonnant. Il est compatible avec la Gauche et la Droite, un tiers des Français se considérant autant de Droite que de Gauche. Précisons encore que l’abstention aux élections législatives a été de 51,29 % au premier tour et de 57,4 % au deuxième tour, ce qui est problématique. « La République en marche » ne recueille que 15% des inscrits au Premier tour de ces élections.

Pour Taguieff, Macron est apparu comme un rempart contre le FN. Il représente un « coup d’État BCBG » et opère une exclusion d’une partie de la population. Sous des aspects lisses, Macron sait se montrer arrogant, par exemple vis-à-vis du général de Villiers. Le progressisme est son idéologie de base. Il a ainsi déclaré qu’il fallait « faire avancer le progrès », et le 6 janvier 2015 il a déclaré aux Échos : « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ».

Trois hypothèses sont avancées par l’auteur pour rendre compte du phénomène Macron : miracle, symptôme, mirage. C’est un miracle, c’est un symptôme, à savoir le résultat d’un long processus d’effacement du clivage Droite-Gauche ; Macron défend à la fois le libéralisme économique de la Droite et le libéralisme culturel de la Gauche (mariage homosexuel et PMA pour les homosexuelles et les célibataires). Il opère sur les clivages suivants : ouvert-fermé, cosmopolites-nationalistes, progressistes-conservateurs, réformistes-immobilistes, optimistes-pessimistes. C’est enfin un mirage, Macron prenant en fait le relais d’une Gauche réformiste.

Pour Taguieff, Macron est l’homme de la marche forcée  vers la mondialisation, il incarne l’illusion démocratique et fait comprendre que la Gauche néo-libérale ne diffère en rien de la Droite également néo-libérale. Pour le journal Le Monde, la victoire de Macron est une réponse au Brexit et à Trump ; il est le sauveur de la France contre le FN. Le jugement de fond émis par Taguieff est que le progressisme rhétorique n’est qu’un leurre: on célèbre le changement pour le changement dans un affaiblissement dramatique de l’esprit critique. Il s’agit d’échanger et de changer pour avancer !

L’ouvrage de Taguieff, bien que trop long à mon goût, a le mérite de déconstruire méthodiquement l’engouement à l’égard du phénomène Macron, engouement qui n’empêchera pas des retournements contre le nouveau président.

Jacques Rollet

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