Quelle identité pour la Droite en France ?

C’est la question que posent les média depuis l’échec de François Fillon, échec d’ailleurs relatif car avec 20% des voix il fait mieux que Jacques Chirac en 2002. L’entretien que Laurent Wauquiez a accordé au Journal du Dimanche le 16 juillet est intéressant de ce point de vue. J’en relève quatre accents : Macron n’a pas d’idéologie opératoire, l’islamisme radical est ignoré, le politiquement correct triomphe, les gens qui « ne sont rien «  sont de fait, méprisés.

Je pense qu’on peut proposer à la Droite française de se construire à partir de ces deux éléments clés : le libéralisme économique et le non-libéralisme culturel, le tout étant fondé sur une anthropologie sans laquelle les acteurs politiques ne peuvent que changer de position au gré des opportunités.

1° Le libéralisme économique est la donnée fondamentale: en se basant sur les travaux de Friedrich von Hayek, il est aisé de comprendre que le marché est le meilleur régulateur des échanges au sein d’une société. Il s’agit du marché des biens produits par le travail. L’intervention de l’Etat doit être évitée, car elle fausse les échanges. En ce sens toute aide financière aux entreprises est néfaste car elle évite le vrai diagnostic produit par le marché, à condition que soit respecté le principe de la concurrence libre et non faussée. C’est ainsi que dans l’Union européenne il doit être possible d’éviter le dumping social sans déroger aucunement aux principes du libéralisme économique. La Droite française est demeurée interventionniste par tradition jacobine et technocratique dont elle doit se défaire.

2° Il faut en finir avec le libéralisme culturel, qui a répandu ses méfaits chez les Centristes et Les Républicains. Il est intéressant de revenir aux sources de cette appellation. On la doit à Gérard Grunberg et Etienne Schweisguth dans un article intitulé « Le virage à gauche des couches moyennes salariées ». On le trouve dans l’ouvrage L’univers politique des classes moyennes (Presses de Sciences Po,  1983).
Les deux chercheurs ont élaboré un indicateur qu’ils nomment « libéralisme culturel ».
Cet indicateur repose sur quatre critères :
1) L’adhésion ou non à l’idée qu’une jeune femme puisse accéder à la contraception avant 18 ans.
2) L’accord ou le désaccord avec la proposition suivante: « L’école devrait avant tout former des gens à l’esprit éveillé et critique ».
3) Le rapport à la nationalité: êtes vous en accord ou en désaccord avec la proposition suivante: « Si j’avais une autre nationalité, je m’en trouverais tout aussi bien ».
4) Le rapport à la justice: êtes vous d’accord ou non pour dire que « Les tribunaux sont trop sévères envers les jeunes délinquants ».
La sexualité, l’autorité, la délinquance, la nation restent aujourd’hui des marqueurs de libéralisme culturel.

3° Le libéralisme culturel, par l’apologie qu’il fait du désir individuel, empêche la société de se rassembler autour de valeurs communes. Contrairement à ce que dit John Rawls, la question du bien ne peut être évacuée au profit de ce qu’il appelle « le juste ». Une société ne vit que si ses membres partagent un minimum de valeurs en commun. La liberté individuelle n’est pas l’exaltation du désir. On retrouve ici la grande tradition de philosophie politique concernant la démocratie: elle suppose l’exercice de la vertu. On peut soutenir que le libéralisme économique ne tient que par le refus du libéralisme culturel. Des auteurs comme Daniel Bell et Jürgen Habermas ont montré quelles étaient les contradictions culturelles du capitalisme. Il ne vit qu’appuyé sur des valeurs qui ne sont pas fondées sur l’hédonisme. Quand il l’oublie, il perd toute légitimité.

4° La politique ne peut faire l’impasse sur la question de l’anthropologie. L’homme est un être incarné qui ne peut faire fi de sa constitution physique : il est homme ou femme. L’enfant naît de l’union d’un homme et d’une femme. Il en résulte que le  » mariage  » homosexuel n’a pas de sens au plan anthropologique. La procréation médicalement assistée en France se fait avec anonymat du donneur, ce qui viole le droit de l’enfant à connaître ses origines. Et il n’y a pas de droit à l’enfant ! Enfin, rappelons que Simone Veil a voulu la possibilité de l’avortement pour les situations de détresse. C’est explicite dans l’exposé des motifs. Un délai de réflexion était prévu ainsi qu’un entretien préalable. Tout cela a été balayé et une mineure peut avorter sans que ses parents ne soient au courant !

Mais ce n’est pas tout : on demande à l’État d’intervenir pour rembourser ces actes. Autrement dit, les libéraux culturels font appel à l’État-Providence pour satisfaire leurs désirs dits : privés.

Je souhaite que ces quelques réflexions aident la Droite française à retrouver une identité. C’est possible. Il faut un peu de pensée et de courage.

Jacques Rollet, théologien et politologue.

 

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